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Aux Enfers
4 septembre 2008

Quelques minutes avec Peter L. - Pièce en un acte

Az. – C'est à vous.
Peter L. – Alors allons-y.
Az.– Je vous accompagne.

redemarrage

Dans une salle vide, un rocher. Un bureau épais avec un ordinateur portable, un fauteuil direction que Az. fait tourner mollement. Peter L. est assis sur une chaise inconfortable face au bureau.

Peter L. – Vous restez là vous aussi?
Az. – On m'a demandé de rester. Je crois que ce n'est pas très bon pour moi.
Peter L. – Je voulais vivre une épopée.
Az. – Qu'est-ce que vous voulez que ça me fasse?
Peter L. – Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait?
Az. – On attend.
Peter L. – On attend quoi?
Az. –   On attend qu'il ait fini de tourner.
Peter L. – Qu'est-ce qu'il fait?
Az. –   Je ne sais pas, il est très sollicité.
Peter L. – Peut-être.
Az. –    La cravate que l'on vous a apportée, vous ne l'avez pas mise?
Peter L. – Je ne mets jamais de cravate. Est-ce qu'il tourne encore?

word_inopinement
   
Az. – Et merde !
Peter L. – C'est fini ?

J.E. – C'est un dénouement comme un autre. Il y a le suicide, le meurtre, la folie, le mutisme. Le bug.

Az. – De mieux en mieux. Et J. n'avait rien à faire ici.
Peter L. – Qui l'a fait venir?
Az. – C'est embêtant, cela veut dire que nous ne sommes pas seuls. Je pensais que la paroi entre ici et là-bas était hermétique. Vous n'avez toujours pas mis votre cravate?
Peter L.– Qui l'a fait venir?

word_inopinement_relance
Redémarrage.

Peter L. – Je vous avais perdu de vue.
Az. – Mettez votre cravate.
Peter L. – Non.


Az. – Un costume foncé, des chaussures sombres, cirées, des épaules, la peau légèrement rougie qui plisse à l'encolure de la chemise bleue, rose, rayée, unie, rasé, toujours, et tout de suite vous êtes un vrai homme, un homme sérieux, adulte, responsable, vous avez une alliance, c'est encore mieux, vous êtes moins disponible, moins malléable, mais dans le même temps vous êtes tenu par la famille, par votre femme qui ne roule pas dans n'importe quelle voiture, par les enfants qui ne font pas n'importe quelle étude, qui déjà réclament un compte bancaire et un téléphone portable, par votre mère qui apprécie quand vous l'invitez au restaurant, oui, vous êtes un vrai homme, vous n'avez même pas besoin de parler ou de vous justifier, vous achetez ou on vous rembourse, les jeunes femmes, vendeuses et secrétaires et stagiaires vous regardent, et vous les regardez vous regarder, votre poignée de mains est sèche et rugueuse, vous regardez dans les yeux ceux à qui vous vous adressez, sauf quand vous vous sentez inférieur, votre langage est correct mais se veut dure et ferme, quand il le faut vous parlez en pointant le doigt, vous êtes un vrai homme, vous enrichissez celui qui vous emploie et vous vous enrichissez, et, croyez-vous, vous enrichissez aussi votre pays, que vous soutenez à chaque compétition sportive – comment sauriez-vous d'ailleurs que c'est votre pays s'il n'y avait pas la coupe du monde de foot ou les jeux olympiques pour vous rappeler quel est votre pays et quand le temps du loisir arrive, parce que vous travaillez, tandis que les autres non, alors quand vient le temps du loisir, vous dormez, et vous célébrez vos certitudes devant vos enfants et vos petits-enfants, car vous êtes un vrai homme. Croyez-moi tout cela commence avec la cravate.


Regardez, maintenant vous me prenez pour quelqu'un d'important, un juge, un directeur de ressources humaines ou quelque chose comme ça.


Peter L. –   
Az. – Mettez votre cravate et tout ira bien.

 

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